Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
I comme

Poéticomaton 27/10/2014 - 12h44

27 Octobre 2014 , Rédigé par T.B. Publié dans #Poèmes, #Poéticomaton

 

j'ai perdu mon âme enfin c'est une façon de parler je suis pris dans des façons de parler dans des tics de langage en vérité je pense que c'est la langue française qui me parle et non le contraire : je crie à l'imposture j'ai perdu mon âme donc où quand pourquoi et pour qui ? je ne saurais le préciser j'ai quelques notions quelques soupçons sont conçus par mon esprit sans que je puisse discriminer la lucidité de la paranoïa ce que je sais en revanche avec la dernière certitude celle qui fait le jeune phoque se jeter a l'eau sans un seul instant approcher l'hypothèse même qu'il ne saurait pas nager ma certitude est que nous ne posons pas tous le même regard sur la même réalité alors il faut se battre sur des mots ce qui est épuisant il faut parler constamment à deux niveaux il faut tenir un premier langage sur le monde et puis un deuxième sur le langage lui-même et j'en connais certains qui poussent la rectitude jusqu'à mettre une troisième couche on se rend compte dès lors que l'explicitation de ses propos monte vertigineusement en spirale pour atteindre des sommets d'entortillement et tout cela pour quoi dans quel but ?

simplement se faire comprendre

cela est trop compliqué il est tellement éprouvant de devoir sans cesse réexpliquer certains fondements à ceux dont la culture diverge que bien souvent je ne me sens plus la force et je laisse des absurdités énormissimes être dites en face de moi sans mon consentement sans mon approbation mais aussi sans mon démenti en clair je m'incline rester immobile revenant dans certaines situations à battre en retraite Il est éminemment curieux que si fraichement sorti de la plus crasse cécité j'ai autant de mal à la tolérer à l'accepter dans la bouche et derrière les yeux d'autrui je crois que si elle me dérange autant c'est qu'elle dévoile en abîme en filigrane la propre précarité de mon intellect et qu'elle me pose cette effarante question : n'étais-je pas moi aussi ce jeune ignare érudit pourtant en certains domaines et inconscient de l'être ? n'ai-je pas été ce jeune premier certain de sa place dans le monde social et certain aussi que tout le monde faisant son possible pour que tout aille pour le mieux et que si vraiment la misère existe encore elle n'est dûe qu'à d'affreuses contingences contre lesquelles personne ne peut rien bien que chacun essaye de les combattre ? quelle candeur vraiment et pourtant je le répète ce n'était pas faute de savoir ou de voir mais des directions du champ de vision qui s'offraient à mes regards et quand je repense à ce qu'il a fallu pour que j'arrache mes oeillières que je sorte des ornières que d'autres avaient tracé nettement profondément pour moi à ce qu'il a fallu de ridicule au nombre de rencontres ou d'événements absolument hasardeux afin de me faire dévier de cette route et quand je repense au mal que m'a fait cette lumière nouvelle ces couleurs nouvelles que j'ai vues répandues sur les murs dans les rues et jusque dans les images que concevaient mes rêves et quand je repense aux calories et aux semaines que j'ai épuisées à patauger dans la boue afin de pouvoir enfin respirer un peu d'air pur aux confins de ce marécage et quand je me suis aperçu fièrement dressé sur la berge enfin que je n'étais arrivé nulle part et que le bourbier se propageait à l'horizon sans chemin sans carte et sans boussole ou presque et avec des questions nouvelles par miliers

et quand je me suis aperçu que faire un pas était se fourvoyer que lire un livre était ne pas lire les autres que dire une phrase revenait à ne pas dire toutes les autres j'ai bien cru ma dernière heure venue heureusement heureusement a posteriori que j'ai toujours cette chance formidable de pouvoir cracher des mots sur un papier - virtuel ou non - bien que la liberté de mes propos après avoir lutté des années pour s'émanciper du carcan du langage ordinaire et du tout-à-la-signification semble se réduire aujourd'hui et arborer des frusques jargonnantes qui me déplaisent au plus haut point

je déteste devoir m'intéresser aux questions économiques

je préférais composer des petites magies de mots dans mon coin

pouacre!

mais l'économie vient frapper à ma porte et me gueuler dans les tympans

elle est partout sous forme de trame et d'évidences à déconstruire

avant (que veut dire ce mot ?) je n'étais qu'un petit gribouilleur de mots dépolitisés aujourd'hui j'ai tous les termes de l'analyse marxiste  ou bourdieusienne dans ma bibliothèque de mots

certes, je comprends mieux

oui

qu'il m'en coûte cependant ! car mon esprit plus rationnalisé accouche plus difficilement de ces délires verbaux qui m'étaient qui me sont devenus qui me sont encore et toujours si précieux

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
Pouacre! Diantre, belle apostrophe. C'est de l'ordre du &quot;merdre&quot;, cela. <br /> Le langage est au confluent du sens communiquant et de l'émotion imaginante. Si l'on y prend garde, chacune de ces eaux contraires contamine l'autre. La belle exigence analytique s'aveugle sous l'émotion, l'émotion s'alourdit de ces sens. C'est plutôt cette deuxième contamination dont témoigne la fin de votre texte. Que faire? Retour aux sources, aux deux sources, purification des eaux. Jeu infini. La langue est un beau combat, une arme formidable et un corps amoureux.
Répondre
T
Au-delà d'Assouan le Dieu-fleuve se fait bifide. Arrivé au confluent... ma langue fourche.